La visite de la Mine Boulanger nous plonge au coeur des problématiques de l'orpaillage en Guyane : méthodes d'extraction légale versus méthodes illégales, difficulté du travail sur le terrain, difficultés économiques des entreprises minières...
*Difficultés économiques*
La visite débute dans le bureau de l'entreprise à Cayenne. Le bureau est petit et encombré d'archives, documents géologiques, d'exploration, cartes et histoire des mines. On nous explique la situation de la Mine Boulanger : les contraintes imposées par l'Etat sont draconiennes et catastrophiques pour la rentabilité des Mines légales, qui sont passées du nombre de 50 à quelques 5 mines en moins de 10 ans. En effet, malgré le cours élevé de l'or en 2009, l'extraction est difficile et chère : pour préserver l'environnement des dégâts précédemment causés par l'extraction de l'or au mercure (que l'on dit à l'origine des malformations observées dans les tribus indiennes de Guyane), tout recours à des procédés chimique est interdite. L'extraction se fait donc par différents stades de gravimétrie allant du plus grossier à la main (pour détecter les grosses pépites) au tri fin, utilisant des tables vibrantes pour séparer les grains d'or des grains de sable et autres éléments présents dans les rivières. Par ailleurs, les salaires minimaux sont élevés et de nombreuses contraintes écologique imposent un investissement dans la réhabilitation de forêts à la fin de l'exploitation, le tout étant étroitement surveillé par la DRIRE (Directions Régionales de l'Industrie de la Recherche et de l'Environnement).Le dirigeant de la Mine nous expliquera par la suite qu'il a peu d'espoirs quant à la survie de la Mine Boulanger en raison de ces problèmes d'ordre économique et législatif.
*Découverte de la mine*
Nous nous rendons ensuite sur le site de la Mine située sur la piste Coralie à une heure environ de route en changeant de véhicule pour rouler en pick-up, plus adaptés aux conditions du terrain, le terrain devenant en effet impraticable : à la route goudronnée succède un sentier de terre modelé par les pluies, aux paysages relativement dégagés (sans toutefois de vision au loin en raison des collines qui vallonent le pays et la haute végétation) succèdent à la forêt où l'on ne voit plus que branchages, arbres, herbes. Plus les pick-up s'enfoncent dans la piste, plus l'impression d'être coupés du monde s'agrandit. Il n'y a plus que les couleurs vertes de la végétation, orange-marron du sol boueux des zones déforestées.
Lorsque nous arrivons sur les bassins d'extraction appelés barranques, la pluie tombe violemment, nous trempant jusqu'aux os et rendant le terrain dangereux. La voiture s'embourbe et les jambes s'enfoncent parfois jusqu'aux genoux colorant les vêtements de cet orange si typique.
*Extraction*
L'or affluviale se trouve dans les sédiments provenant de l'érosion de roches qui contenaient originellement de l'or. Il est présent dans l'eau et les argiles sous forme de pépites (pouvant aller jusqu'à la taille d'un paquet de cigarettes pour le plus record de la Mine Boulanger) et de paillettes d'or. Le plus grand problème vient du fait que la concentration d'or est très faible et qu'il faut donc trier de grands volumes d'argile pour obtenir des quantités raisonnables d'or.
Le principe est schématiquement le suivant : les orpailleurs détournent la rivière (appelée crique en Guyane) dans laquelle a été détecté de l'or, et l'argile est extrait à l'aide de sortes de "lances à eaux" appelées lances monitor qui permettent de liquéfier l'argile, envoyé ensuite grâce à des pompes sur des tapis inclinés recouverts de moquette gorssière permettant d'"accrocher" l'or et les particules de même taille. Et effectivement, une dizaine de minutes passées à chercher dans la moquette, les filles repartent avec quelques jolies paillettes d'or. La boue est ensuite envoyée dans les barranques, bassins que l'on observe en vue aérienne, où elle décante.
On apprends aussi l'origine du mot "orpaillage", "or" et "paille" car les tapis utilisés avant étaient faits en paille et non en moquette, d'où l'association de mots.
Nous nous rendons ensuite au centre du campement, là où les particules recueillies sur les moquettes sont triées plus finement à l'aide de tables vibrantes qui permettent de séparer les particules par gravimétrie. Nous y rencontrons le dirigeant de la boite, jeune homme énergique et souriant, qui coule un lingot d'or sous nos yeux ébahis à partir de la poussière d'or obtenue après les procédés que nous avons entr'aperçus. Bien évidemment, cette poussière n'est pas pure. Par conséquent, il est nécessaire d'employer soit du mercure, interdit aujourd'hui, soit du zinc qui permet de remplacer ce dernier et de permettre la agglomération de l'or en un lingot. Le lingot qui ressort du four est d'une valeur d'environ 10 000 euros, et nous laisse rêveurs.
*Conditions de vie sur le site*
Le soleil est de nouveau sorti et la chaleur de l'air est même à l'ombre presque insupportable. cette visite nous permet aussi d'observer la vie sur le site : nous remarquons qu'il y a beaucoup de brésiliens et on nous explique qu'ils vivent souvent sur le campement pendant des durées plus ou moins longues, le voyage pour rentrer n'étant pas des plus faciles. La nourriture du midi est servie dans de grands bacs métalliques fermés par un couvercle pour éloigner les mouches, et on y mange sur de grandes tables de bois. De nombreuses pièces de grande valeur pour réparer les machines sont stockées dans des hangars de bois non hermétiquement fermés, et donc très sensibles à la rouille. On prend alors conscience de la difficulté de la vie ici : le soleil est aussi extrême dans ses manifestations que la pluie, l'éloignement de toute zone "civilisée" rend plus difficile l'accès au travail et le retour au foyer, le risque, enfin, dû à l'or lui-même, à savoir le banditisme (en 2003, la Mine Boulanger a essuyé une "attaque à main armée" entraînant un mort parmi les travailleurs de la mine). Nous comprenons alors la nature du travail sur le terrain, de ses nombreux risques et contraintes : c'est une véritable aventure que de travailler ici !
*Plantation d'arbres*
Pour pouvoir continuer l'extraction d'or et alléger les pressions des groupes écologistes, Boulanger tente de repeupler la forêt d'arbres. Cette "reforestation" est un travail délicat, car la pousse des arbres en Guyane est complexe : certains arbres nécessitent la lumière directe, d'autres ne peuvent s'en accomoder pour démarrer leur pousse, certains nécessitent une certaine humdité, d'autres un terrain végétal, sachant que la déforestation nécessaire à l'extraction de l'or induit une perte totale de cet équilibre. Des tests sont menés sur ces terrains visant à mieux comprendre la croissance des différentes espèces. Un des grands problèmes est d'éviter la plantation d'arbres colonisateurs non présents naturellement en Guyane pour éviter de perturber l'écosystème guyanais. Sur le retour nous avons donc pu observer des parcelles de terrains replantées, notamment avec des Accacias, espèce qui pousse rapidement et aisément sur sol nu.
*La fin d'un voyage dans le voyage*
Nous sommes partis de la Mine sans grand espoir de la revoir un jour, étant donné les paroles pessimistes des dirigeants : peu d'espoirs pour cette PME qui marche sur la corde. Mais sans aucun doute cette journée nous aura ouvert les yeux sur la complexité du travail des mineurs, même des temps modernes, et sur les multiples efforts réalisés par ceux-ci pour que la mine continue de tourner, efforts souvent peu reconnus par le grand public qui ne voit dans la mine d'or qu'un pollueur au mercure indifférent à l'environnement.
*Difficultés économiques*
La visite débute dans le bureau de l'entreprise à Cayenne. Le bureau est petit et encombré d'archives, documents géologiques, d'exploration, cartes et histoire des mines. On nous explique la situation de la Mine Boulanger : les contraintes imposées par l'Etat sont draconiennes et catastrophiques pour la rentabilité des Mines légales, qui sont passées du nombre de 50 à quelques 5 mines en moins de 10 ans. En effet, malgré le cours élevé de l'or en 2009, l'extraction est difficile et chère : pour préserver l'environnement des dégâts précédemment causés par l'extraction de l'or au mercure (que l'on dit à l'origine des malformations observées dans les tribus indiennes de Guyane), tout recours à des procédés chimique est interdite. L'extraction se fait donc par différents stades de gravimétrie allant du plus grossier à la main (pour détecter les grosses pépites) au tri fin, utilisant des tables vibrantes pour séparer les grains d'or des grains de sable et autres éléments présents dans les rivières. Par ailleurs, les salaires minimaux sont élevés et de nombreuses contraintes écologique imposent un investissement dans la réhabilitation de forêts à la fin de l'exploitation, le tout étant étroitement surveillé par la DRIRE (Directions Régionales de l'Industrie de la Recherche et de l'Environnement).Le dirigeant de la Mine nous expliquera par la suite qu'il a peu d'espoirs quant à la survie de la Mine Boulanger en raison de ces problèmes d'ordre économique et législatif.
*Découverte de la mine*
Nous nous rendons ensuite sur le site de la Mine située sur la piste Coralie à une heure environ de route en changeant de véhicule pour rouler en pick-up, plus adaptés aux conditions du terrain, le terrain devenant en effet impraticable : à la route goudronnée succède un sentier de terre modelé par les pluies, aux paysages relativement dégagés (sans toutefois de vision au loin en raison des collines qui vallonent le pays et la haute végétation) succèdent à la forêt où l'on ne voit plus que branchages, arbres, herbes. Plus les pick-up s'enfoncent dans la piste, plus l'impression d'être coupés du monde s'agrandit. Il n'y a plus que les couleurs vertes de la végétation, orange-marron du sol boueux des zones déforestées.
Lorsque nous arrivons sur les bassins d'extraction appelés barranques, la pluie tombe violemment, nous trempant jusqu'aux os et rendant le terrain dangereux. La voiture s'embourbe et les jambes s'enfoncent parfois jusqu'aux genoux colorant les vêtements de cet orange si typique.
*Extraction*
L'or affluviale se trouve dans les sédiments provenant de l'érosion de roches qui contenaient originellement de l'or. Il est présent dans l'eau et les argiles sous forme de pépites (pouvant aller jusqu'à la taille d'un paquet de cigarettes pour le plus record de la Mine Boulanger) et de paillettes d'or. Le plus grand problème vient du fait que la concentration d'or est très faible et qu'il faut donc trier de grands volumes d'argile pour obtenir des quantités raisonnables d'or.
Le principe est schématiquement le suivant : les orpailleurs détournent la rivière (appelée crique en Guyane) dans laquelle a été détecté de l'or, et l'argile est extrait à l'aide de sortes de "lances à eaux" appelées lances monitor qui permettent de liquéfier l'argile, envoyé ensuite grâce à des pompes sur des tapis inclinés recouverts de moquette gorssière permettant d'"accrocher" l'or et les particules de même taille. Et effectivement, une dizaine de minutes passées à chercher dans la moquette, les filles repartent avec quelques jolies paillettes d'or. La boue est ensuite envoyée dans les barranques, bassins que l'on observe en vue aérienne, où elle décante.
On apprends aussi l'origine du mot "orpaillage", "or" et "paille" car les tapis utilisés avant étaient faits en paille et non en moquette, d'où l'association de mots.
Nous nous rendons ensuite au centre du campement, là où les particules recueillies sur les moquettes sont triées plus finement à l'aide de tables vibrantes qui permettent de séparer les particules par gravimétrie. Nous y rencontrons le dirigeant de la boite, jeune homme énergique et souriant, qui coule un lingot d'or sous nos yeux ébahis à partir de la poussière d'or obtenue après les procédés que nous avons entr'aperçus. Bien évidemment, cette poussière n'est pas pure. Par conséquent, il est nécessaire d'employer soit du mercure, interdit aujourd'hui, soit du zinc qui permet de remplacer ce dernier et de permettre la agglomération de l'or en un lingot. Le lingot qui ressort du four est d'une valeur d'environ 10 000 euros, et nous laisse rêveurs.
*Conditions de vie sur le site*
Le soleil est de nouveau sorti et la chaleur de l'air est même à l'ombre presque insupportable. cette visite nous permet aussi d'observer la vie sur le site : nous remarquons qu'il y a beaucoup de brésiliens et on nous explique qu'ils vivent souvent sur le campement pendant des durées plus ou moins longues, le voyage pour rentrer n'étant pas des plus faciles. La nourriture du midi est servie dans de grands bacs métalliques fermés par un couvercle pour éloigner les mouches, et on y mange sur de grandes tables de bois. De nombreuses pièces de grande valeur pour réparer les machines sont stockées dans des hangars de bois non hermétiquement fermés, et donc très sensibles à la rouille. On prend alors conscience de la difficulté de la vie ici : le soleil est aussi extrême dans ses manifestations que la pluie, l'éloignement de toute zone "civilisée" rend plus difficile l'accès au travail et le retour au foyer, le risque, enfin, dû à l'or lui-même, à savoir le banditisme (en 2003, la Mine Boulanger a essuyé une "attaque à main armée" entraînant un mort parmi les travailleurs de la mine). Nous comprenons alors la nature du travail sur le terrain, de ses nombreux risques et contraintes : c'est une véritable aventure que de travailler ici !
*Plantation d'arbres*
Pour pouvoir continuer l'extraction d'or et alléger les pressions des groupes écologistes, Boulanger tente de repeupler la forêt d'arbres. Cette "reforestation" est un travail délicat, car la pousse des arbres en Guyane est complexe : certains arbres nécessitent la lumière directe, d'autres ne peuvent s'en accomoder pour démarrer leur pousse, certains nécessitent une certaine humdité, d'autres un terrain végétal, sachant que la déforestation nécessaire à l'extraction de l'or induit une perte totale de cet équilibre. Des tests sont menés sur ces terrains visant à mieux comprendre la croissance des différentes espèces. Un des grands problèmes est d'éviter la plantation d'arbres colonisateurs non présents naturellement en Guyane pour éviter de perturber l'écosystème guyanais. Sur le retour nous avons donc pu observer des parcelles de terrains replantées, notamment avec des Accacias, espèce qui pousse rapidement et aisément sur sol nu.
*La fin d'un voyage dans le voyage*
Nous sommes partis de la Mine sans grand espoir de la revoir un jour, étant donné les paroles pessimistes des dirigeants : peu d'espoirs pour cette PME qui marche sur la corde. Mais sans aucun doute cette journée nous aura ouvert les yeux sur la complexité du travail des mineurs, même des temps modernes, et sur les multiples efforts réalisés par ceux-ci pour que la mine continue de tourner, efforts souvent peu reconnus par le grand public qui ne voit dans la mine d'or qu'un pollueur au mercure indifférent à l'environnement.